Ottawa, 3 décembre 2008

Le Conseil canadien de la magistrature termine son enquête sur la conduite du juge Matlow

Ottawa, le 3 décembre 2008 – Après avoir tenu une enquête publique, le Conseil canadien de la magistrature a terminé son examen de la conduite de l’honorable P. Theodore Matlow. Dans son rapport au ministre de la Justice, le Conseil recommande que le juge Matlow ne soit pas démis de ses fonctions. Le rapport du Conseil comporte deux énoncés de motifs, la majorité des membres étant d’avis que, même si le juge Matlow a manqué à l’honneur et à la dignité, le critère pour recommander sa révocation n’a pas été rempli.

Un sommaire des motifs majoritaires et minoritaires contenus dans le rapport du Conseil est présenté ci-dessous. Le rapport complet se trouve sur le site Web du Conseil (à noter que le document est présentement disponible en anglais seulement; une version en français sera disponible sous peu).

En vertu de la Constitution du Canada, un juge ne peut être démis de ses fonctions que par une résolution conjointe du Parlement. Le mandat du Conseil, selon la Loi sur les juges, consiste à faire une recommandation à cet égard au ministre de la Justice.

Le Conseil canadien de la magistrature est composé des juges en chef et des juges en chef adjoints des cours supérieures du Canada. D’autres renseignements sur le Conseil se trouvent sur son site Web à www.cjc-ccm.gc.ca.

Renseignements
Norman Sabourin, Directeur exécutif et avocat général principal
(613) 288-1566, poste 301

Sommaire du rapport au ministre de la Justice

Le Conseil canadien de la magistrature a présenté au ministre de la Justice un rapport dans lequel il recommande, après avoir tenu une enquête publique, que l’honorable Ted Matlow ne soit pas démis de ses fonctions.

Le rapport du Conseil comporte deux énoncés de motifs : l’un a été rédigé par 17 des 21 membres qui ont examiné l’affaire et l’autre par 4 membres.

Motifs de la majorité

  • L’examen de toutes les circonstances permet de conclure que le juge Matlow a manqué à l’honneur et à la dignité à certains égards et que ses actions incorrectes et inacceptables l’ont placé dans une situation incompatible avec l’exercice de ses fonctions judiciaires. Cependant, le critère pour recommander sa révocation n’a pas été rempli.
  • Lorsqu’il examine les recommandations d’un comité d’enquête, le Conseil canadien de la magistrature (le Conseil) a pour mandat de conclure lui-même s’il y a lieu de recommander qu’un juge soit démis de ses fonctions. Le Conseil n’est pas tenu d’accepter les conclusions du comité d’enquête.
  • Les Principes de déontologie judiciaire ne sont pas un code de conduite. Cependant, ils reflètent bon nombre des principes qui servent de base à divers instruments internationaux concernant l’indépendance de la magistrature. Les Principes de déontologie judiciaire se veulent un guide utile des normes déontologiques généralement reconnues par la communauté des juristes. Ils conseillent aux juges comment agir en salle d’audience et en public.
  • Il n’est pas interdit en tout temps aux juges de se prononcer sur un sujet controversé. Il s’agit d’une question de contexte. Dans le cas présent, une partie de la conduite et des propos du juge Matlow entre dans les limites des activités acceptables de la part de tout citoyen, y compris un juge, et ne constitue pas un manquement à l’honneur et à la dignité. Cependant, il y a des limites à ce qu’un juge peut dire en public à propos d’un sujet controversé. La liberté d’expression des juges est sujette à l’examen des conseils de la magistrature.
  • Les juges ont le droit, à titre privé, de contester des décisions qui touchent leurs intérêts, comme le font d’autres Canadiens. Cependant, il y a des limites à ce qu’un juge peut faire. Un juge n’a pas le droit d’utiliser le prestige de la fonction judiciaire pour promouvoir ses intérêts privés. De plus, un juge ne peut tenir des propos immodérés lorsque d’autres personnes savent probablement, ou pourraient savoir, qu’il est un juge. Par ailleurs, les juges n’ont pas le droit de donner des conseils juridiques à des personnes qui s’opposent à des actions gouvernementales.
  • La décision d’un juge de se récuser ou non d’une affaire comporte un élément subjectif. En ce qui concerne la requête « SOS », le défaut du juge Matlow de se récuser peut être considéré comme un grave manque de jugement. Cependant, cette décision était à la discrétion du juge.
  • Le juge Matlow n’a pas agi incorrectement lorsqu’il a tenté de faire renaître l’intérêt pour la question du chemin Thelma en octobre 2005. Cependant, il a agi incorrectement lorsque, les 4 et 5 octobre 2005, il a continué de poursuivre l’affaire en livrant et en expédiant par courriel des documents à ce sujet. C’est parce qu’il savait, à ce moment, qu’il allait bientôt instruire une cause relative à une affaire de planification contestée qui était très semblable à l’affaire du chemin Thelma et à laquelle était partie le même gouvernement municipal.
  • Le juge Matlow est juge depuis vingt-sept ans. Aucune preuve n’indique qu’il ait agi de façon incorrecte ou inappropriée, en salle d’audience ou en public, avant les événements qui ont donné lieu à cette affaire.
  • Les excuses que le juge Matlow a présentées au Conseil étaient sincères, tout comme sa promesse d’éviter tout écart de conduite à l’avenir.
  • Bien que cette affaire ne justifie pas sa révocation, le juge Matlow doit accepter la responsabilité de son inconduite et, par conséquent, il lui est ordonné : (1) de présenter des excuses par écrit aux personnes qui ont été touchées par sa conduite; (2) d’assister à un colloque sur la déontologie judiciaire; et (3) de demander conseil avant de participer à tout débat public dans le futur.

Motifs de la minorité

  • Les recommandations du comité d’enquête devraient être acceptées. En raison de la conduite du juge Matlow, il y a lieu de recommander sa révocation.
  • Le juge Matlow a utilisé sa position de juge de la cour supérieure pour faire intervenir des représentants du gouvernement municipal et provincial dans une affaire controversée. Il s’est conduit de cette façon pendant plus de deux ans. Il a omis d’agir avec retenue, conformément au devoir de tous les juges.
  • Le fait qu’un juge « ignore » qu’une certaine action soit contraire à la déontologie ne devrait pas signifier qu’il y a absence de faute. Le défaut intentionnel d’enfreindre la déontologie est certes une affaire plus grave, mais les juges sont censés être conscients de leurs obligations déontologiques à tous les égards et y prêter attention. Cela est vrai surtout dans le cas des juges qui exercent leurs fonctions depuis de nombreuses années.
  • Les juges sont libres de décider de se récuser ou non d’une affaire quelconque; cependant, le devoir de faire en sorte de ne pas instruire une affaire et le devoir de divulguer de l’information à d’autres personnes dans certaines circonstances l’emportent sur la discrétion du juge de se récuser ou non. Ce sont des obligations déontologiques indépendantes qui existent avant même qu’un juge commence à instruire une affaire. Ces devoirs sont destinés à assurer l’impartialité de la magistrature et à donner l’apparence d’impartialité.
  • La question de savoir si un juge se montre impartial dans une affaire quelconque doit être mesurée par rapport à une norme objective. C’est le critère que les juges doivent appliquer pour décider d’instruire une affaire, de communiquer à des avocats ou à des juges des faits susceptibles de donner lieu à un conflit, ou de se récuser.
  • Le respect des principes de déontologie judiciaire a notamment pour but d’éviter les circonstances qui obligeraient un juge à se récuser d’une affaire quelconque.
  • Les excuses que le juge Matlow a présentées au Conseil dans cette affaire sont insuffisantes et importent peu en ce qui concerne la recommandation à faire au ministre de la Justice.
  • La perception du public est très importante lorsqu’il s’agit de décider si un juge devrait être démis de ses fonctions. Dans le cas présent, la confiance du public dans l’impartialité, l’intégrité et l’indépendance de la magistrature a été sérieusement minée. En raison de la conduite du juge Matlow, il y a lieu de recommander sa révocation.

Le processus de traitement des plaintes

Si une personne croit qu’il y a lieu de s’interroger sur la conduite personnelle d’un juge (en salle d’audience ou en public), elle peut déposer une plainte au Conseil canadien de la magistrature. Le Conseil examine seulement les plaintes concernant la conduite des juges, et non leurs décisions judiciaires.

La procédure à suivre est simple: la plainte doit être formulée par écrit et doit porter sur la conduite d’un juge nommé par le gouvernement fédéral. Il n’y a aucun formulaire spécial à remplir. Il n’est pas nécessaire d’être représenté par un avocat. Il n’y a aucuns frais à payer.  Dans la mesure du possible, le Conseil traite les plaintes anonymes de la même façon que les plaintes signées.

Lorsque le Conseil reçoit une plainte, la question essentielle à laquelle il doit répondre est de savoir si la conduite d’un juge empêche ce dernier de remplir ses fonctions judiciaires. En pareil cas, le Conseil doit décider s’il y a lieu de recommander que le juge soit démis de ses fonctions.

Une plainte est examinée d’abord par un membre du Comité sur la conduite des juges. Si une plainte est manifestement frivole ou si elle ne relève pas du mandat du Conseil, elle est rejetée. Dans environ la moitié des cas, la plainte est examinée plus en profondeur et le Conseil remet une copie de la plainte au juge concerné et à son juge en chef afin d’obtenir leurs commentaires. Dans bien des cas, la plainte est résolue à ce stade et une lettre explicative est envoyée au plaignant.

Si la plainte ne peut être résolue à ce stade, le dossier peut être renvoyé à un sous-comité, composé d’un maximum de cinq juges, pour un examen plus approfondi. Si le sous-comité conclut que la plainte est fondée mais qu’elle n’est pas suffisamment grave pour passer à la prochaine étape (la constitution d’un comité d’enquête), il peut fermer le dossier et exprimer ses préoccupations au juge, ou il peut recommander le recours à des services de consultation ou à d’autres mesures correctives.

Si la plainte semble être suffisamment grave pour justifier la révocation du juge, le sous-comité peut recommander que le Conseil constitue un comité d’enquête. Une fois son enquête terminée, le comité d’enquête fait rapport de ses conclusions au Conseil canadien de la magistrature. Le Conseil décide ensuite s’il y a lieu de recommander au ministre de la Justice du Canada que le juge soit démis de ses fonctions. En vertu de la Constitution du Canada, un juge ne peut être démis de ses fonctions que par une résolution conjointe du Parlement.

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