Toronto, 10 mai 2022

L’avocat plaidant et la santé mentale, un texte par Juge en chef Strathy

Le juge en chef de l'Ontario, l'honorable George R. Strathy, a tout récemment publié un article sur la santé mentale et le travail d'avocat qui est disponible sur le site web de la Cour d'appel de l'Ontario.

Nous partageons avec vous un extrait:

Avec la pandémie qui a dominé nos vies, ces deux dernières années ont mis de l’avant l’importance de la santé mentale dans notre société et dans notre profession. Peut-être est-ce attribuable au stress et à l’anxiété qui ont plané sur nous durant la pandémie. Peut-être est-ce d’avoir été isolés nos familles, nos amis, nos collègues, qui sont souvent source de réconfort et de soutien. Peut-être est-ce le travail à domicile auquel plusieurs d’entre nous ont été soumis et qui ne permet pas de séparer le travail et la vie personnelle, rendant pratiquement impossible l’équilibre entre les deux. Peut-être que plusieurs d’entre nous, ayant survécu à ces deux terribles années, se disent qu’il est temps de faire des changements dans leur vie. Décrire 2022 comme l’année de la « Grande Démission » pourrait s’avérer juste.

Heureusement, pour une raison ou une autre, il y a aussi eu, dans notre société, au sein de la profession et dans nos vies personnelles, une volonté grandissante d’aborder les questions de santé mentale. Les gens ont parlé de la santé mentale comme jamais auparavant : avec honnêteté, compassion et réalisme.

Dans cet article, je discute de la santé mentale chez les avocats plaidants spécifiquement, mais je dois dire que cette discussion s’applique probablement à les tous les champs de pratique. Mon message est que nous avons besoin d’un changement qui vient d’en haut dans nos façons d’aborder la santé mentale dans la profession juridique. Ce changement doit provenir des dirigeants des cabinets privés et des leaders dans la profession d’avocat.

Je ne prétends pas être un expert en santé mentale ou détenir toutes les réponses. Toutefois, j’ai près d’une cinquantaine d’années d’expérience en droit et je vous fais part de ces observations dans l’espoir de susciter la réflexion et d’inspirer le changement dont les avocats plaidants ont besoin.

Je commence avec la question suivante : comment se fait-il que nous ne parlions jamais de santé mentale et de litige dans une même conversation ? Je crois que c’est en partie parce que la santé mentale, tout comme la santé physique, est quelque chose que nous avons tous en commun. Nous ne nous imaginons pas la santé mentale comme quelque chose que nous vivons tous. Au lieu de cela, nous pensons que la santé mentale est synonyme de maladie mentale ou de mauvaise santé mentale, deux choses qui nuisent à la capacité d’un individu à être un avocat plaideur.

Notre société et notre profession stigmatisent la maladie mentale. Les stéréotypes concernant la santé mentale dans la profession juridique associent une mauvaise santé mentale ou une maladie mentale à une incapacité à contrôler ses émotions ou ses pensées, à un manque de jugement, à une incapacité à travailler fort ou à résister à la pression, et à un manque de fiabilité.

En revanche, l’avocat plaidant type est tenu en haute estime : c’est un gladiateur intrépide, maniant une épée intellectuelle aiguisée comme un rasoir. Toujours en contrôle de ses émotions. Érudit et articulé. Il travaille de longues heures de travail avec fierté en résistant à la pression. Parfois blessé, mais jamais vaincu. Souffrant en silence et pansant tranquillement ses propres blessures, prêt à se battre un autre jour. Et capable de se consacrer aussi intensément à ses loisirs qu’à son travail.

L’emprise de ces deux mythes sur notre profession — que la santé mentale est quelque chose qui affecte les autres, pas nous, et le mythe de l’avocat gladiateur — signifie que nous discutons rarement de la santé mentale dans la même conversation que le litige parce que nous croyons que l’un exclut l’autre. Depuis trop longtemps, les membres de notre profession sont attachés à l’idée que nos expériences en matière de santé mentale, quelles qu’elles soient, sont incompatibles avec une carrière en litige. Nous avons intériorisé le mythe selon lequel seuls les héros invincibles réussissent. Nous devons dénoncer ces mythes, non seulement parce qu’ils sont faux, mais aussi parce qu’ils envoient un message erroné aux personnes qui ont leur place dans le domaine du contentieux. Et parce qu’ils causent de terribles souffrances à ceux qui croient qu’ils ne peuvent pas ou ne veulent pas se mesurer à l’idéal du gladiateur.

Permettez-moi de m’écarter un instant du sujet et de vous donner un peu de contexte...

Pour consulter la version intégrale de ce texte, veuillez visiter le site web de la Cour d'appel de l'Ontario

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